Dans Les Poches Du Berger

D'abord ; d'abord

Y'a l'aоnй, lui qu'est comme un melon

Lui qu'a un gros nez

Vu qui sais plus son nom, Monsieur

Tellement qui boit

Tellement qu'il a bu

Qui fait rien de ses dix doigts

Mais lui qui n'en peut plus

Lui qu'est complиtement cuit

Et qui se prend pour le roi

Qui se saoыle toutes les nuits

Avec du mauvais vin

Mais qu'on retrouve matin

Dans l'Йglise qui roupille

Raide comme une saillie

Blanc comme un cierge de Pвques

Et puis qui balbutie

Et qu'a l'oeil qui divague

Faut vous dire Monsieur

Que chez ces gens-lа

On ne pense pas, Monsieur

On ne pense pas

On prie

Et puis y a l'autre

Des carottes dans les cheveux

Qu'a jamais vu un peigne

Qu'est mйchant comme une teigne

Mкme qu'il donnerait sa chemise

A des pauvres gens heureux

Qu'a mariй la Denise

Une fille de la ville

Enfin d'une autre ville

Et que c'est pas fini

Qui fait ses petites affaires

Avec son p'tit chapeau

Avec son p'tit manteau

Avec sa p'tite auto

Qu'aimerait bien avoir l'air

Mais qu'a pas l'air du tout

Faut pas jouer les riches

Quand on a pas le sou

Faut vous dire Monsieur

Que chez ces gens~lа

On ne vit pas, Monsieur

On ne vit pas

On triche!

Et puis y'a les autres

La mиre qui n'dit rien

Ou bien n'importe quoi

Et du soir au matin

Sous sa belle gueule d'apфtre

Et dans son cadre en bois

Y'a la moustache du pиre

Qu'est mort d'une glissade

Et qui regarde son troupeau

Bouffer la soupe froide

Et зa fait des grands (guff)

Et зa fait des grands (guff)

Et puis y'a la tout'vieille

Qu'en finit pas de vibrer

Et qu'on attend qu'elle crиve

Vu qu' c'est elle qu'a l'oseille

Et qu'on йcoute mкme pas

C' que ses pauvres mains racontent

Faut vous dire, Monsieur

Que chez ces gens-lа

On ne cause pas, Monsieur

On ne cause pas

On compte

Mais il est tard, Monsieur

Y faut que j'rentre chez moi

[A Jacques BREL, nous n'avons pas osй te prendre Frida]

(Texte : Jacques Brel)

Editions POURCHENEL (Bruxelles)